Cette fiche actualisée en 2020 par les gastroentérologues du GETAID (Groupe d’Etude Thérapeutique des Affections Inflammatoires Digestives) a pour but de mieux faire connaître au patient le traitement qui lui est proposé.
Elle est destinée spécialement aux patients atteints de maladie inflammatoire chronique intestinale (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) car elle tient compte des modalités spécifiques d’utilisation des médicaments dans ces maladies.
Elle constitue un complément à la fiche légale présente dans chaque lot de médicament.
Elle est actualisée régulièrement et peut être téléchargée gratuitement sur le site du GETAID (www.getaid.org).
Indications et efficacité
Le certolizumab pegol (Cimzia®) agit en inhibant une protéine produite en excès au cours de la maladie de Crohn, le TNFα. Le TNFα est produit par les cellules de l’organisme et favorise l’inflammation, en participant à la lutte contre certaines infections. Le certolizumab est un anticorps monoclonal, c’est-à-dire une molécule très ciblée, produite grâce à la biotechnologie pour neutraliser de façon spécifique le TNFα. On utilise pour sa synthèse des cellules isolées d’origine humaine et une petite proportion (5%) provenant de souris. Lorsque l’on effectue une injection de certolizumab pegol, il reste présent dans l’organisme pendant 2 à 3 mois, avant d’être détruit. Le certolizumab pegol fait partie de la famille des traitements anti-TNF, comme l’infliximab, l’adalimumab et le golimumab.
Au cours de la maladie de Crohn de l’adulte, le certolizumab pegol a fait l’objet de plusieurs études le comparant au placebo (médicament inerte). Bien que la plupart de ces travaux ait démontré qu’il était plus efficace qu’un placebo, le certolizumab pegol n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) dans la maladie de Crohn en France. Il est en revanche autorisé et commercialisé dans cette indication dans d’autres pays tels que les Etats-Unis, le Canada et la Suisse.
En France, ce traitement peut être prescrit hors AMM par votre médecin sous certaines conditions :
- Le certolizumab pegol est réservé aux malades ayant une maladie de Crohn en poussée malgré l’utilisation de l’ensemble des traitements disponibles : corticoïdes, immunosuppresseurs, les deux autres anti-TNF que sont l’infliximab et l’adalimumab et les deux autres biothérapies que sont Vedolizumab et Ustekinumab.
- Le patient doit être informé que ce médicament est prescrit hors AMM
- La bibliographie du Certolizumab dans la maladie de Crohn doit être documentée dans le dossier médical
A ce jour, il n’existe pas de donnée scientifique concernant le Certolizumab pegol dans la maladie de Crohn de l’enfant et dans la Rectocolite hémorragique.
Le certolizumab pegol a l’AMM en France dans les maladies inflammatoires articulaires chroniques (Polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite axiale et rhumatisme psoriasique) et dermatologiques (psoriasis en plaque).
Modalité d’utilisation
Le certolizumab pegol est administré selon un schéma initial, dit d’induction, comprenant des injections aux semaines 0, 2 et 4. Les doses administrées sont à chaque fois de 400 mg. En cas de réponse au traitement d’induction, le certolizumab pegol peut être poursuivi en traitement d’entretien par des injections régulières, toutes les quatre semaines. Ces injections pourront être rapprochées toute les deux semaines si votre médecin le juge nécessaire.
Le certolizumab pegol s’administre en injection sous-cutanée (SC). Le traitement se présente sous la forme de seringue pré-remplie ou de stylo pré-rempli, dosés à 200 mg.
Précautions d’emploi
Avant de débuter le traitement par certolizumab pegol, votre médecin s’assurera qu’on ne se trouve pas dans un cas qui contre-indique, au moins temporairement, son emploi ou qui nécessite des précautions particulières. Les précautions sont les mêmes qu’avant de commencer un autre anti-TNF. Il faut en particulier s’assurer :
- de l’absence d’infection. Le TNFα participe en effet à la lutte contre les infections et l’administration d’un anti-TNF comme le certolizumab pegol pourrait aggraver ou rendre plus difficile la guérison d’une infection évolutive. La maladie de Crohn peut faciliter les abcès et il important d’être sûr qu’on n’a pas méconnu cette complication, notamment en cas de fistule. On recherche aussi des infections dont on n’aurait pas fait le diagnostic. On s’assure en particulier qu’il n’y pas de signes d’une tuberculose passée inaperçue, car des cas de réveil d’une tuberculose latente ont été observés avec les antiTNF. Pour ce faire :
- on recherche des cas de tuberculose déjà connus dans l’entourage du malade (famille, travail) ou des facteurs de risque (voyage dans une région du monde à risque).
- on vérifie que la vaccination par le BCG a été faite (si ce n’est pas le cas, il ne faut surtout pas la refaire car sinon, le traitement par certolizumab sera impossible pendant 3 semaines).
- on réalise un prélèvement sanguin (Quantiféron® ou équivalent) ou un test cutané (intra-dermo réaction à la tuberculine) et une radiographie pulmonaire ; d’autres examens sont parfois nécessaires en cas d’anomalies ou de doute. Un test sanguin devrait bientôt être utilisé pour améliorer la détection.
On réalise également des tests sanguins, à la recherche notamment d’une infection par le virus de l’hépatite B et du VIH.
- de l’absence de maladie cardiaque sérieuse (car des cas d’aggravation ont été signalés avec d’autres anti-TNF).
- de l’absence de cancer au cours des 5 dernières années (par précaution, car on craint qu’une baisse d’immunité induite par le traitement facilite la récidive).
- de l’absence de certaines maladies neurologiques (névrite optique, sclérose en plaque) car de rares cas ont été signalés au cours de traitement par les anti-TNF.
L’instauration d’un traitement par certolizumab pegol est souvent l’occasion pour vérifier que les vaccins sont à jour, et effectuer les rappels utiles. Comme avec tous les médicaments ayant un effet immunodépresseur, les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués : fièvre jaune, rougeole, oreillons, rubéole, tuberculose (BCG), varicelle. Si ces vaccins sont nécessaires, ils doivent être faits au moins 3 mois avant le début du traitement. En revanche, les vaccins inactivés, comme celui de la grippe, peuvent être réalisés et sont même conseillés ainsi que le vaccin contre le pneumocoque.
Pour toute vaccination, consultez votre médecin qui sera en mesure de vous conseiller.
Suivi médical et risques d’effets secondaires
Durant le traitement, vous serez suivi par votre médecin qui décidera, si besoin, de réaliser des examens de surveillance, ceux-ci n’étant pas systématiques.
1. Infections
Le certolizumab pegol agit en diminuant le TNF-α qui facilite l’inflammation mais participe aussi à la lutte contre certaines infections. Grâce à son action très sélective, le médicament ne perturbe pas les autres mécanismes de défense qui continuent à assurer la protection de l’organisme contre les microbes.
On a cependant remarqué une augmentation du risque de certaines infections. C’est en particulier le cas pour la tuberculose qui peut se réactiver chez des patients ayant une infection latente, non traitée. Lorsque ce risque n’était pas encore identifié, des cas de tuberculose sévère, parfois mortelle ont été rapportés avec les anti-TNF. Depuis la mise en place des mesures de dépistage systématique (voir précautions d’emploi), ce risque a diminué (sans disparaître complètement), les personnes menacées par cette infection étant mieux identifiées et préalablement traitées.
D’autres infections ont été observées sous certolizumab pegol sans qu’il soit toujours certain qu’elles soient directement en rapport avec ce traitement. D’autres facteurs tels que la maladie elle-même ou les autres traitements tels que les corticoïdes ou les immunosuppresseurs lorsqu’ils sont pris en même temps, peuvent favoriser leur survenue. Il s’agit habituellement d’infections banales, urinaires ou ORL par exemple.
Dans de rares cas, il peut s’agir d’infections en rapport avec la baisse des défenses immunitaires. On parle alors d’infection opportuniste. Un avis médical auprès de votre généraliste ou gastroentérologue est donc nécessaire en cas de fièvre.
Des cas d’aggravation d’une hépatite B non traitée ont aussi été rapportés avec les anti-TNF, ce qui justifie de rechercher la trace de cette infection par une prise de sang.
2. Immunisation au Certolizumab
Le certolizumab pegol est une protéine qui est étrangère à l’organisme et il est théoriquement possible que vous développiez, avec le temps, des anticorps dirigés contre ce médicament (immunisation). Cela peut n’avoir aucune conséquence, mais peut aussi être à l’origine d’une baisse de son efficacité. La prise de médicaments immunosuppresseurs (azathioprine, 6-mercaptopurine ou méthotrexate) pris en association avec le certolizumab pegol n’élimine pas ce risque d’immunisation.
Des réactions locales au point d’injection sont possibles (signalées chez moins de 5% des malades traités). Il s’agit le plus souvent d’une douleur au site de l’injection, parfois d’une rougeur. Ces manifestations sont habituellement de courte durée et ne nécessitent pas l’interruption du traitement.
Les manifestations d’allergie sont exceptionnelles avec le certolizumab pegol et aucun cas grave n’a été signalé à ce jour.
3. Autres effets indésirables
- Des éruptions sur la peau sont parfois observées au cours du traitement. Ces éruptions ressemblent à de l’eczéma ou à du psoriasis et correspondent à une inflammation « paradoxale » au niveau de la peau. Avant de donner un traitement pour ces lésions cutanées, il faut être sûr qu’il ne s’agit pas d’une infection de la peau. Souvent, un traitement par des pommades à base de cortisone suffit à obtenir une guérison. Dans les cas les plus marqués, il faut arrêter le traitement pour que les lésions disparaissent.
- Des maux de tête peuvent volontiers survenir après les injections. Ils sont passagers et peuvent nécessiter la prise ponctuelle de traitements antalgiques.
- D’autres effets indésirables ont été signalés, mais ils sont beaucoup plus rares et la responsabilité du médicament dans leur survenue reste encore incertaine. Les anti-TNF sont des traitements très surveillés et tous les incidents observés dans les pays où ils sont utilisés sont signalés, sans qu’on ait toujours la preuve formelle que le médicament en soit responsable.
- Parmi les effets indésirables pour lesquels le rôle du médicament est probable, on a ainsi signalé avec des cas d’insuffisance cardiaque chez des patients ayant une maladie cardiaque sévère, des cas d’hépatite, de baisse des globules sanguins, de maladies neurologiques démyélinisantes ou de lupus (sans atteinte d’organes importants)
- De rares cas de cancer ont été observés chez des patients traités par le certolizumab pegol mais le nombre de cas ne parait pas augmenté par comparaison à ceux survenus chez des patients ayant une MICI et n’ayant pas reçu ce traitement. Le risque de faciliter la survenue de lymphomes (proliférations tumorales à partir de certaines cellules appartenant au tissu lymphoïde des ganglions, de la moelle et de certains organes) ne peut être écarté. Parmi les rares cas d’un type de lymphome très particuliers (moins de 20 cas recensés sur plusieurs centaines de milliers de patients traités par anti-TNF), signalés chez des sujets jeunes, souvent de sexe masculin, recevant presque toujours une association d’un anti-TNF et d’azathioprine (ou de de 6-mercaptopurine), aucun n’a été observé avec le certolizumab pegol. Etant donné le plus petit nombre de malades ayant reçu le certolizumab pegol comparativement aux deux autres anti-TNF, ce risque ne peut être écarté.
4. Précautions pour la conception et la grossesse
Théoriquement, il faut éviter d’utiliser le certolizumab pegol pendant la grossesse mais les données de 500 grossesses exposées à Certolizumab pegol au cours du premier trimestre n’ont pas mis en évidence d’effet malformatif.
En pratique, le traitement peut être utilisé quel que soit le terme de la grossesse si la sévérité de la maladie de Crohn le justifie.
L’attitude à adopter vis-à-vis du traitement doit donc être discutée au cas par cas avec le spécialiste. La décision met en balance les risques théoriques (liés au nombre encore limité de cas rapportés) et ceux de la maladie intestinale elle-même.Les études précliniques suggèrent que le taux de transfert placentaire d’un homologue Fab-fragment du certolizumab pegol (sans fragment Fc) est faible ou négligeable, ce qui est différent des autres antiTNF (infliximab, adalimumab et golimumab).
Une seule étude de dosage chez quelques nouveaux-nés exposés pendant la grossesse à Certolizumab pegol, montre à la naissance un taux inférieur à la limite de détection et très inférieur à celui de la mère mais comme pour les autres antiTNF il est recommandé d’attendre au moins l’âge de 12 mois pour l’administration de vaccins vivants atténués (ex vaccin BCG) (cf fiche thérapeutique grossesse et antiTNF)
Le pédiatre et le médecin traitant doivent être informés.